Avec le printemps, il n'y a pas que la végétation qui renaît, la jurisprudence aussi ! Voyez ce "florilège" à propos des autorisations d'urbanisme...
1 ) Jurisprudence : Cristallisation des règles d'urbanisme dans le cadre d'un lotissement (L. 442-14)
Dans le cadre d'un arrêt récent (décision n° 493120 consultable ici) en date du 17 février dernier, le Conseil d'Etat a livré des précisions très utiles sur le régime de la cristallisation des droits dans le cadre d'un lotissement. Il résulte de cet arrêt que la cristallisation en cause est conditionnée par la réalisation préalable de la division constitutive de lotissement, autrement dit le transfert de propriété (le plus souvent constitué par une vente). La modification du cadastre ou la production d'un plan de géomètre, autrement la division sur plan, ne suffit pas au contraire à provoquer cette cristallisation.
L'arrêt est rédigé ainsi : "Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la cristallisation pendant cinq ans des règles d'urbanisme prévue par l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme
est subordonné à la division effective de l'unité foncière par le transfert, avant l'expiration du délai de trois ans suivant la non-opposition à la déclaration préalable,
de la propriété ou de la jouissance d'au moins un des lots créés, ce transfert fût-il assorti d'une condition suspensive telle que celle tenant à l'obtention d'un permis de construire.
La seule modification du cadastre ou la seule mise en vente de tout ou partie des terrains ne permet pas, en revanche, de regarder cette condition de division effective comme remplie".
2 ) Jurisprudence (encore !) : Un avis important du Conseil d'Etat sur la contestation d'un refus d'autorisation "sec" !
3. En l'absence de dispositions y faisant obstacle, il est loisible au pétitionnaire, le cas échéant après que l'autorité administrative compétente lui a fait part des absences de conformité de son projet aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6, d'apporter à ce projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications
3 ) Jurisprudence (toujours...) : Preuve de l'affichage de l'autorisation d'urbanisme sur le terrain, la photo ne prouve plus rien !
Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, "le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une DP ou d'un PC, PA ou PD court à l'égard des tiers
à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15".
Le Conseil d'Etat vient de rappeler le principe selon lequel il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a bien accompli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions précitées (CE, 10 mars 2025, n° 472387, M. D.).
A ce titre, et c'est tout à fait intéressant, le Conseil d'Etat confirme la décision de la Cour Administrative d'appel de Lyon ayant rejeté comme preuve de cet affichage les photographies,
et leurs métadonnées numériques, prises par le pétitionnaire "compte tenu des possibilités techniques de modifier ces données numériques, …, la date de ces photographies ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d'authenticité suffisantes".
Pour apporter la preuve de cette purge, plus que jamais le titulaire de l'autorisation aura donc tout intérêt à recourir à un commissaire de justice (ex huissier).
L'arrêt est consultable ici.
4 ) Jurisprudence (encore!) : suspension du délai de validité d'une autorisation d'urbanisme contestée au contentieux
Comme chacun le sait, en application de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, les
autorisations d'urbanisme sont périmées dans les deux cas suivants :
- si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de 3 ans à compter de la notification de ladite autorisation ;
- si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à 1 an.
En cas de recours devant la juridiction administrative contre l’autorisation, l’article R.
424-19 indique que le délai de péremption est suspendu "jusqu'au prononcé de la décision juridictionnelle irrévocable".
Par un arrêt du 21 février 2025, le Conseil d’Etat rappelle que la date à laquelle la décision juridictionnelle était irrévocable n'était pas la date à laquelle est rendue de ladite décision mais
la date d’expiration
du délai de recours dont elle peut faire l'objet ((CE, 21 février 2025, n° 493902, M. D.).
L'arrêt est disponible ici.
En l’espèce, le permis de construire a fait l’objet d’un recours introduit le 13 septembre 2016, rejeté par un jugement du 26 octobre 2017.
Ce jugement est devenu irrévocable, en l'absence de recours, le 28 décembre 2017. Le délai de validité du permis a dès lors été suspendu du 13 septembre 2016 au 28 décembre 2017.
5 ) Jurisprudence (la dernière promis !) : Terrain non desservi et délivrance de l'autorisation d'urbanisme (L. 111-11)
L'article L. 111-11 est un classique de l'instruction. Son alinéa premier est rédigé ainsi : "Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés".
Dans un arrêt en date du 3 avril 2025 (n° 23MA02262), la Cour Administrative d'Appel de Marseille rappelle à ce propos : "Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité, et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation".
Mais le plus important est la suite...
"Si ces dispositions n'imposent pas que l'autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d'achèvement des travaux, l'intention de les réaliser doit pouvoir être établie. Tel peut être le cas si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire ou d'aménager litigieux".
Il importe non pas de disposer d'une date précise mais de la preuve que l'intention est établie.
En l’espèce, le maire de la commune de La Bouilladisse a opposé un refus de permis de construire à la SARL Midi Promotion Habitat un projet de construction de 15 villas et de 23 logements
collectifs sociaux. Le motif invoqué au visa de l'article L. 111-11 alinéa 1er était que ce projet ne pouvait être raccordé à la station d'épuration qui était en cours de réalisation dans ce
hameau à la date
de l'arrêté attaqué dont la capacité réelle ne pouvait être connue qu'au terme d'une année de mise en service.
La CAA annule l'arrêté de refus après avoir rappelé que :
- La commune a fait paraître un avis d’appel public à concurrence portant sur la création d’une station d’épuration d’une capacité de traitement de 350 équivalent habitant alors que la population du secteur, classé en zone urbaine, s’élève à 150 habitants,
- L’OAP du PLU opposable prévoit une densification du secteur,
- L’avis émis par le gestionnaire du réseau d’eau, faisant apparaître que le projet pourrait nécessiter une extension, ne suffit pas à établir que le raccordement à la station d’épuration serait impossible.
La Commune ne pouvait donc pas légalement opposer un tel motif de refus au porteur de projet.
L'arrêt est disponible ici.
Écrire commentaire